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Il était une fois… la marbrite Fauquez : histoire et technique (1ère partie)

Actualités du CAD

Les collections de la Ville de Liège déposées au Centre sont des plus diversifiées. Notre attention s’est portée récemment sur cinq carnets de cartes postales détachables, présentant quelque deux cent cinquante réalisations architecturales incluant de la marbrite Fauquez, du nom du village actuellement situé sur la commune d’Ittre. Retraçons brièvement l’historique de ce produit verrier !

Au cours du premier quart du XXe siècle, la Société anonyme des Verreries de Fauquez développe, à côté d’une production de gobeleterie, une gamme diversifiée de produits : verres clairs ou teintés destinés aux vitrages et à l’ornementation intérieure, verres lisses, imprimés ou martelés, verres artistiques pour la création de vitraux, vitrages spéciaux de toiture, dalles lumineuses à utiliser comme pavements. Elle ouvre également un département céramique.

C’est en 1906, sous l’impulsion d’Arthur Brancart (1870-1934), que la société se lance dans la production de marmorite, un verre opale uni, d’une finition parfaite car poli mécaniquement, distribué en une palette chromatique limitée. Esprit inventif, le verrier poursuit ses recherches dans ce domaine ; les produits colorés dans la masse et opalescents qu’il présente à l’Exposition universelle et internationale de Gand en 1913 sont remarqués. La commercialisation d’un nouveau verre opale, la marbrite, ne débute cependant qu’en 1922 (1), dans le contexte de la reconstruction du pays. Présentée à l’Exposition des Arts décoratifs et industriels modernes de Paris en 1925, elle y est doublement primée : médaille d’or d’architecture décernée à Joseph Van Neck (1880-1959), concepteur du pavillon (2), et grand prix de la section « Art et Industrie du Verre », attribué à Arthur Brancart et aux Verreries de Fauquez. La marque est déposée. Elle conquiert rapidement les marchés internationaux et s’exporte dans toute l’Europe, au Moyen-Orient, en Amérique latine, aux États-Unis (3).

L’entreprise se dote de vastes salles d’exposition dans un immeuble cossu de la rue du Midi à Bruxelles, ainsi qu’à Namur (4-6). Elle tisse un réseau de grossistes et de marbritiers qui reçoivent une formation spécialisée pour la pose des plaques. En 1928, une antenne est installée en France, dans l’Avesnois, grâce à la concrétisation d’un accord commercial avec la Glacerie de Boussois.

1. Fauquez, halle de production de la marbrite.

2. Paris, Exposition des Arts décoratifs et industriels modernes, 1925, pavillon de la S.A. des Verreries de Fauquez.

3. New York, magasin Pandora.

4. Bruxelles, immeuble d'exposition des Verreries de Fauquez, rue du Midi 19-21.

5. Bruxelles, salle d'exposition.

6. Namur, salle d’exposition, route de Gembloux.


La marbrite : caractéristiques et variantes

Le verre en fusion, opacifié et coloré dans la masse par l’adjonction d’oxydes métalliques, est coulé sur table métallique et laminé. Après découpe et biseautage, les plaques, planes ou bombées, peuvent encore atteindre 3 mètres de long et 120 centimètres de large. La recuisson en continu dans le stracou – processus automatique économique – confère un beau poli à la matière, sans pour autant que la qualité de finition n’atteigne celle de la marmorite. Un second polissage, mécanique cette fois, permet d’obtenir une surface exempte de défaut. Cette marbrite de luxe sera produite entre 1928 et 1940 (7-9).

7. Liège, hôtel Thiwissen, salle de bain, arch. Paul Petit.

8. Bruxelles, Fondation Reine Élisabeth, hall d'entrée, arch. Henri Lacoste.

9. Ans, église Saint-Martin, arch. Pierre Rousch.

L’utilisation d’un rouleau de laminage imprimé modifie l’aspect final du produit. La marbrite granulée, proposée en quelques teintes seulement, connaît un succès mitigé jusqu’en 1940.

Une autre variante, la marbrite matée, subit quant à elle un dépolissage au jet de sable. L’application préalable d’une pâte protectrice permet la création de motifs décoratifs et de lettrages, par juxtaposition des surfaces polies et mates. Cette dernière technique est particulièrement intéressante pour la réalisation d’enseignes commerciales et de monuments funéraires.

Un revêtement uni ou à décor marbré très apprécié, un poli inaltérable qui accroît la luminosité, une large palette – pas moins de trente-six teintes –, un produit résistant, d’un entretien aisé et qui répond parfaitement aux préoccupations hygiénistes de l’époque, un prix des plus modérés par rapport aux matériaux traditionnels que sont le marbre et la céramique ; ce sont là les atouts qui séduisent la clientèle et les architectes. Produit novateur aux ambitions modernistes, la marbrite est utilisée à l’envi, tant en architecture qu’en décoration intérieure, dans les constructions commerciales et publicitaires, hospitalières et sanitaires, scolaires ou domestiques, voire religieuses (10-12).

10. Vaux-sous-Chèvremont, villa Libois, partiellement revêtue de marbrite Fauquez.

11. Liège, rue du Pot d’Or, maison Claessens, arch. Arthur Snyers.

 

12. Seraing, rue Ferrer 74, bijouterie Diesbecq, arch. Pierre Rousch.

La marbrite a cependant un défaut majeur : le volume des déchets de production avoisine les 30 %. Sa belle adaptabilité à la découpe accroît encore les pertes ; des sous-produits sont envisagés.

Monique Merland
Documentaliste
 

Pour en savoir plus, nous vous invitons à consulter :

Alain Forti et Jacqueline Miller, Ittre, Virginal-Samme, La S.A. des Verreries de Fauquez, dans Pierre Paquet, Anne-Françoise Cannella et Gaëtane Warzée (dir.), Le Patrimoine industriel de Wallonie, Liège, 1994, p. 435-440.

Lucia Gaiardo et Claire Billen, Les maisons en marbrite et cimorné en Wallonie, Namur, MRW, DGATLP, 1999, (Carnets du Patrimoine, 27).

Isabelle Lecocq, Le verre architectural (1925-1937), dans Le verre Art déco et moderniste de Charles Catteau au Val Saint-Lambert, catalogue d’exposition, Musée royal de Mariemont, 2011, p. 78-101.

http://connaitrelawallonie.wallonie.be/fr/wallons-marquants/dictionnaire/brancart-arthur.

http://www.ronquieres.org/marbrite.html.