Il était une fois… une documentaliste au service du patrimoine
Ce sont très certainement les dernières lignes que j’écris dans le cadre des Actualités du Centre d’Archives et de Documentation de la CRMSF. En décembre prochain, je prendrai ma retraite, non sans émotion, je ne vous le cache pas. Permettez-moi aujourd’hui de vous adresser ces quelques mots de remerciement, éclairés d’un flash-back teinté de nostalgie !
Ma carrière à la Ville de Liège a débuté en 1977 par de modestes intérims comme éducatrice d’internat. Au gré des affectations, j’ai découvert la colonie scolaire établie à Spa, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, dans les bâtiments réaffectés du prestigieux Balmoral Hotel (1) et j’ai pu appréhender le modernisme du Lycée Léonie de Waha (2). C’est ainsi que j’ai été amenée à apprécier l’agrément de la villégiature spadoise, à admirer son patrimoine architectural et naturel, à travailler dans des édifices remarquables dont les espaces de vie agréables et les styles si différents n’ont pas manqué de me séduire. À cette époque, leurs bâtisseurs ne me sont pas révélés. Les noms d’Auguste-Charles Vivroux et de Jean Moutschen me resteront inconnus un certain temps, tout comme celui de Paul Jaspar, alors que mon enfance s’est déroulée à proximité immédiate de l’hôtel de ville de Visé (3).
1. L’hôtel Balmoral, édifié par Auguste-Charles Vivroux au cœur du lotissement « Spa-Extension », fut réaffecté en colonie scolaire de la Ville de Liège durant plusieurs décennies. Le bâtiment a aujourd’hui retrouvé sa fonction initiale.
Fonds Vivroux, dossier « V 172 B » (dépôt de la Ville de Liège).
© Martine Marchal.
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2. La galerie-promenade de l’internat du Lycée de Waha à Liège, un espace lumineux conçu par Jean Moutschen pour offrir aux pensionnaires un spectacle permanent. Située au cinquième étage, elle était bordée par les salles d’étude et de repos, le bureau des surveillantes, le réfectoire et les cuisines. Le quatrième étage était organisé en dortoir et disposait dès l’origine de bains-douches et d’une infirmerie.
D’après : L’Ossature métallique, avril 1939, p. 173.
Bibliothèque (dépôt de la Ville de Liège).
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L’année suivante, j’ai eu l’avantage d’être engagée aux Musées d’Archéologie et d’Arts décoratifs de Liège (Musées Curtius, du Verre et d’Ansembourg) (4-5). Durant vingt-cinq ans, avec grand bonheur, mon énergie s’est déployée dans la réorganisation et la fusion des bibliothèques, la gestion de la photothèque, de la documentation scientifique, des échanges de publications. J’ai également eu l’honneur de participer à la conception et au montage d’expositions – quelques-unes à vocation internationale –, consacrées principalement à l’art du verre (6-7). Ces expériences se sont évidemment nourries de l’intérêt majeur des collections et de l’architecture exceptionnelle des bâtiments, mais également des talents des deux conservateurs de l’Institut archéologique liégeois qui m’ont formée dans un climat de belle émulation. Ma reconnaissance leur est tout acquise pour la confiance dont ils m’ont gratifiée. Je remercie également les membres du Bureau de l’IAL que j’ai eu le privilège de côtoyer durant ce parcours professionnel. Nos échanges m’ont été riches d’enseignements.
Au cours de l’année 2003, le président de Commission royale des Monuments, Sites et Fouilles et l’échevin de la Culture et des Musées de la Ville de Liège ont plaidé auprès du Collège des Bourgmestre et Échevins en faveur de mon détachement au Vertbois. Les buts de cette mission : la mise sur pied du Centre d’Archives et de Documentation de la CRMSF et l’accueil du fonds documentaire de l’ancien Musée d’Architecture. Cette dernière institution, instaurée le 5 mars 1917 et gérée par une commission dirigée par les initiateurs du projet – Edmond Jamar, président, et Paul Jaspar, secrétaire –, avait connu une concrétisation en 1976 au sein d’un complexe de bâtiments du XVIIe siècle, l’ancien béguinage du Saint-Esprit et le relais de poste de la rue Saint-Jean-Baptiste admirablement réédifié au cœur de l’impasse des Ursulines (8-9). Le musée avait cependant dû fermer ses portes en 1990 pour raisons budgétaires ; le centre de documentation avait été transféré aux Chiroux. Le projet de réorganisation de la lecture publique au sein du complexe Chiroux-Croisiers nécessitait d’envisager une répartition différente des collections.
En 2005, l’inauguration dans le sous-sol du Vertbois d’une réserve précieuse garantissant des conditions optimales de conservation des documents graphiques a certes permis de compléter le programme ambitieux de la CRMSF (10). Le succès grandissant du Centre et l’intérêt des chercheurs ont suscité l’accroissement des collections. Que les nombreux donateurs et déposants soient chaleureusement remerciés.
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10. Réserve précieuse installée dans le sous-sol du Vertbois.
© CRMSF.
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La découverte de ces fonds et leur mise en valeur par le biais d’expositions (11-14), de campagne photographique, d’études (15-16), de congrès ou de tables rondes furent un réel plaisir mais aussi un fameux challenge. Pour ce faire, j’ai pu bénéficier de collaborations ponctuelles et enthousiastes. Que celles et ceux qui ont contribué à ces projets et à la publication de ces recherches trouvent ici l’expression de ma profonde gratitude pour leur précieux concours.
Mon ardeur à faire connaître ces collections, en Belgique et à l’étranger, s’est également employée à démontrer l’extraordinaire complémentarité des fonds qui composent le dépôt de la Ville de Liège, les archives de la CRMSF et les fonds privés, conservés côte à côte. L’organisation d’expositions temporaires – dans la réserve précieuse et dans des institutions d’accueil –, les prêts de documents originaux et la fourniture de documents numérisés à l’occasion de manifestations diverses, leur étude, la rédaction de catalogues et d’articles, les échanges de publications, la mise en ligne des Actualités du Centre d’Archives et de Documentation de la CRMSF ont été autant de processus de diffusion de l’information et de vecteurs du rayonnement de ces richesses documentaires (17-20).
L’enthousiasme de nombre d’historiens de l’art, d’archéologues, d’architectes, d’ingénieurs, de géologues, d’historiens, d’archivistes, de bibliothécaires-documentalistes ont aiguillonné mon goût pour la recherche. Mes remerciements s’adressent à tous ceux qui ont accepté le partage des savoirs. Les échanges avec les membres de la Commission royale, avec les agents du Département du Patrimoine (Service public de Wallonie) et de l’Institut du Patrimoine wallon – deux services aujourd’hui fusionnés en une Agence wallonne du Patrimoine –, les rencontres avec les chercheurs de tous horizons – académiques, scientifiques, artistiques, culturels, associatifs ou privés – et avec les étudiants des diverses universités et hautes écoles du pays ont été des plus enrichissants. Je leur en sais gré.
Je suis reconnaissante à tous les acteurs du patrimoine qui m’ont accordé leur confiance, et en particulier au Bureau de la Commission royale, aux présidents et membres de ses Chambres régionale ou provinciales et au conseil scientifique du Centre, dont j’ai pu apprécier les avis. Je tiens également à leur faire savoir combien j’ai à cœur que ce bel outil qu’est le Centre d’Archives et de Documentation de la CRMSF continue à rayonner et à servir notre patrimoine.
